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L'Ancrage Géométrique des Prothèses

5.3.3. Inserts Bicon Antiluxation

5.3.3.1. Conception peropératoire des inserts Antiluxation

L'idée d'un cotyle qui diminue le risque de luxation par rapport au cotyle plat est apparue à l'occasion d'une opération sur un jeune patient à l'Hôpital Necker avec le Professeur et ami Philippe Touzet, que j'ai assisté à toutes ses interventions avec mes implants, pour l'aider à résoudre des cas toujours exceptionnels et pour enrichir mon expérience.

Lors de la pose d'un insert dans une coque en Titane de Zweymüller en 1987, il est apparu lors du test de stabilité de la tête fémorale, que le soulèvement de la tête se produisait un peu trop facilement. Pourtant, en observant la tête en place dans l'insert, il n'était pas possible de remarquer un quelconque défaut. Le positionnement de la tige et son antétorsion n'étaient pas critiquables non plus et donc nous avons réfléchi à trouver le motif de cette luxation.

Il est bien connu que des débordements osseux sur le bord du cotyle pouvaient provoquer un effet de levier sur l'os du fémur ou le col métallique, mais ce n'était pas le motif. J'ai donc proposé de rechercher manuellement la zone en conflit en dessous de la tête. De façon inattendue, ce n'était pas un manque de couverture du cotyle du côté où la tête sortait de l'hémisphère du cotyle mais un effet de bras de levier entre le col métallique de la tige et le bord non visible de l'hémisphère en polyéthylène. Il faut remarquer qu'à l'époque, le diamètre du col métallique de la tige Alloclassic de Zweymüller était de 16 millimètres, et donc d'un diamètre un peu excessif. J'ai pu corriger ce défaut quelques années plus tard sur les cols des tiges Zweymüller SL Plus.

Suite à l'observation faite ce jour là, ayant de manière tactile détecté l'emplacement du conflit avec le col, j'ai demandé l'accord de Monsieur Touzet pour retailler, avec un bistouri à lame fine, le polyéthylène pour descendre sous le niveau du plan du cotyle et enlever une forme en croissant de lune pour que la hauteur de la bordure soit en-dessous du niveau du plan.

Dès l'essai de stabilité suivant, il est apparu que le problème a été corrigé et qu'il n'était plus possible de faire luxer la tête dans cette direction. La stabilité est redevenue normale et acceptable.

5.3.3.2. Concrétisation géométrique puis informatique

Après la mise au point de la deuxième version du logiciel de création de prothèses en 1988, il m'a été possible de représenter la forme idéale d'un insert incliné qui, au lieu de présenter juste une surélévation du côté où la luxation se produit comme chez tous les fabricants américains de l'époque sans exception, il y avait simultanément surélévation d'un côté et abaissement du côté diamétralement opposé, ce qui revient à une réorientation angulaire complète du plan d'entrée de la demi-sphère recevant la tête prothétique. Ce type d'insert a pu être représenté par la version graphique filaire sur écran en Octobre 1988.

5.3.3.3. Analyse des solutions existantes

Pourtant en 1991, AlloPro - Sulzer a sorti une série d'inserts inclinés dont tout le plan d'entrée était resté plat mais incliné à environ 10 degrés. La modification n'était constituée que par un supplément cylindrique à l'hémisphère resté intact. Ce supplément additif cylindrique limité par un plan incliné provoquait, d'après la comparaison graphique que j'ai faite, non pas une amélioration d'amplitude de mouvement mais une dégradation, et provoquait paradoxalement une luxation encore plus précoce qu'avec le cotyle plat de la même famille. J'ai d'ailleurs l'impression que personne ne s'en soit rendu compte.

Ainsi la modification du cotyle destiné à supprimer les luxations avait tendance à les provoquer avant même qu'elles n'auraient été provoquées par le cotyle plat. Il y a eu donc perte d'amplitude de débattement causée par cette version. Je joins une démonstration graphique de cette comparaison.

5.3.3.4. Dysplasie ou Antiluxation

Ce n'est qu'en 1993 que la société Plus Orthopedics m'a demandé de créer un insert incliné qui était appelé à l'époque insert pour dysplasie. J'ai trouvé que la désignation insert pour dysplasie n'était pas correcte car l'expression dysplasie correspond à une pathologie particulière d'une part relativement rare et d'autre part ce n'est pas du tout le cas des 3 ou 4 % des luxations de prothèses qui se produisent alors que ces patients ne présentaient avant l'opération aucune dysplasie ni luxation congénitale.

J'ai donc proposé que ce cotyle soit désigné Antiluxation ou Antilux dans la mesure où il servait à prévenir ou à résoudre un problème de luxation sans aucun lien avec la pathologie de la dysplasie. De même, cette désignation explicative permettait une adoption par des orthopédistes qui ne l'auraient pas utilisé étant donné que leurs patients ne présentaient aucune dysplasie. Grâce à cette désignation, l'utilisation s'est répandue de façon assez importante.

5.3.3.5. Vers une quantification standardisée des amplitudes de débattement

Par la suite, en 1998, j'ai ajouté à la proposition de Normes sur les jonctions coniques des têtes, une proposition de procédé normalisé pour désigner de façon géométrique en 3D, la carte des amplitudes de mouvements dans toutes les directions pour une combinaison donnée entre cotyle, col et tête et qui tient indissociablement compte de ces facteurs avec une représentation graphique assez lisible. Ce procédé dérivait de l'expérience que j'avais de la mesure du champ visuel utilisé en ophtalmologie. Le détail et les exemples sont consultables à l'article 6.7.2.3., pages 20-22, §3.3.3.-3.3.6 , en particulier Figures 3.3.L et 3.3.M.

5.3.3.6. Visualisation graphique du débattement col-insert

Par la suite, en 1998, j'ai ajouté à ma proposition de Norme sur les jonctions coniques des têtes, un chapitre définissant le diagramme de représentation des amplitudes de débattement autour de l'axe du cotyle dans toutes les directions pour une combinaison donnée entre cotyle, col et tête. Tous ces facteurs sont pris en compte dans une représentation graphique assez lisible. Ce procédé dérivait de l'expérience que j'avais de la mesure du champ visuel utilisé en ophtalmologie.

5.3.3.7. Comparaison avec les inserts " hooded "

Les inserts comportant un rehaussement supplémentaire sur une partie de leur périphérie appelée ( visière ) ou " hood ", sont a priori destinés à retenir une tête qui est en cours de luxation. En supposant que cela fonctionne, rien sur la moitié diamétralement opposée à ce " hood " n'est prévu pour prévenir le déclenchement de la luxation.

La plupart du temps, le " hood " ( visière ), n'est pas une continuation de l'hémisphère de glissement mais seulement une zone cylindrique de même diamètre que l'hémisphère et parallèle à l'axe principal de l'insert. Cela permet au minimum à la tête qui commence à se luxer de revenir à sa place. Selon la représentation graphique de la proposition de Norme 9.7.2., page 21,§ 3.3.5, les inserts " hooded " ont un débattement total inférieur aux inserts plats de même taille. page 22, fig

5.3.3.8. Design du cône d'entrée

J'appelle cône d'entrée la surface qui entoure immédiatement la zone hémisphérique de glissement. Cette surface conique est un extrait de cône de révolution dont l'axe est l'axe de l'inclinaison de l'hémisphère de glissement par rapport à l'axe principal de la coque. Cette inclinaison est de 15 pour l'insert en Polyéthylène et de 12° pour le métal-métal.

Je n'ai trouvé aucune raison pour introduire une discontinuité à partir d'un diamètre, c'est à dire une moitié complètement plate et l'autre moitié inclinée comme le sont les cotyles appelés " hooded ".

Il s'agit de la surface limite que l'extrémité haute du col au voisinage du cône de jonction recevant la tête, pourrait rencontrer en cas de débattement extrême. Dans ce cas, le conflit de débattement extrême aurait lieu entre une surface assez large de polyéthylène et la région du col qui n'a pas été ni dépolie ni rendue rugueuse.

Dans mon design, j'ai évité que la surface de polyéthylène rencontrée par le col en cas de débattement extrême, ait une forme provoquant un contact ponctuel, pour limiter la production précoce de débris d'usure. Il vaut mieux que le contact se produise sur un segment. Pour compléter cette précaution, j'ai prévu de laisser le col de la tige poli au voisinage du cône.

5.3.3.9. Léger soulèvement axial des petites tailles

Dans tous mes inserts, plats ou antiluxation, j'ai conservé un dépassement de l'ordre du millimètre du plan de l'insert par rapport au plan d'entrée de la coque. Le but était qu'en aucun cas une partie métallique de la tige ne vienne en contact avec la bordure en Titane de la coque, toujours pour des risques de débris d'usure.

Si j'avais strictement conservé, comme dans les inserts plats, le centre géométrique de la tête dans le plan d'entrée de la coque, qui définit le niveau de l'origine des coordonnées sur l'axe de la coque, qui est aussi le Centre de Croissance, je n'aurais pas pu réaliser une inclinaison du plan d'entrée de la tête de 15° ou même de 12° pour toutes les tailles, sans que le col ne risque d'entrer en contact avec le bord de la coque pour les petites tailles.

Pour les petites tailles d'inserts qui présentaient une largeur de polyéthylène restreinte entre la coque et l'hémisphère de glissement, le cône d'entrée incliné rencontrait le bord de la coque en Titane.

J'ai donc dû établir trigonométriquement une légère sortie axiale du centre de la tête tenant compte, pour chaque taille, de l'épaisseur résiduelle de polyéthylène pour que le cône d'entrée incliné ne puisse rencontrer le bord en Titane de la coque mais aussi pour conserver une épaisseur supplémentaire de polyéthylène dépassant de la coque. La conséquence de cette sortie du centre de la tête pour les petites tailles est visible radiologiquement. Il ne s'agit en aucun cas d'une décision de latéralisation.

5.3.3.10. Suppression de la perte d'amplitude de débattement

Sans exception, aucun insert du marché destiné à réduire les luxations ne retarde réellement l'effet de levier du col sur la bordure. Certains, comme les inserts inclinés AlloPro Zweymüller provoquent encore plus tôt la luxation que les inserts plats et entraînent une perte de débattement. Le design que j'ai introduit pour l'insert antiluxation du système Bicon, avec enfoncement du cône d'entrée qui est fondamental et inclinaison intégrale de l'hémisphère de glissement, permet de conserver intacte l'amplitude de débattement du col dans l'insert. Le résultat est un changement de direction d'une quinzaine de degrés. Le débattement qui était, grâce au col légèrement affiné sous le cône de jonction de la tête, d'environ 128° pour l' insert plat standard est intégralement conservé avec l'insert antiluxation.

5.3.3.11. Observations sur la mise en place instrumentale

La mise en place de l'insert antiluxation dans la coque en utilisant le porte-insert incliné à manche long me semble une source de mauvais positionnement. Un positionnement manuel de l'insert dans la direction préalablement définie par l'insert d'essai est plus fiable. L'Opérateur a une meilleure sensation tactile de la mise en place de la jonction " multicône " dans la coque en effectuant quelques petits mouvements de rotation autour de l'orientation choisie, et peut sentir le moment où la jonction est établie. C'est seulement ensuite qu'un impacteur sphérique sans bordure termine la fixation. Je déconseille l'utilisation d'un porte-cotyle à manche long qui supprime toute sensation tactile.

5.3.3.12. Règle de précaution: Limitation de l'inclinaison maximum du col

Grâce à l'enfoncement du côté opposé à la surélévation de couverture, du cratère constitué par le cône d'entrée de l'insert, il est possible en principe d'atteindre des inclinaisons surprenantes, de l'ordre de 75 degrés.

Je me suis imposé comme limitation à ce débattement maximum la règle suivante: la direction de la force exercée dans l'axe du col ne doit jamais passer à l'extérieur de la coque métallique recevant l'insert. Cette règle évite l'apparition de forces qui pourraient avoir tendance à faire basculer l'insert hors de la coque. Un insert fixé par jonction de type conique doit toujours travailler par compression axiale, même faible. Depuis 199l, date de la création de la Jonction Multicône, j'ai pu constater la fiabilité de la fixation de ces inserts qui dépasse largement mes prévisions les plus optimistes.

D'ailleurs depuis, la Jonction Multicône s'est avérée suffisamment résistante à la traction et des inserts rétentifs ont pu être produits.

5.3.3.13. Protection des bordures des sièges de glissement

Les sièges de glissement inclus dans le Polyéthylène, dans la technologie " sandwich " des inserts Métal-Métal, ou Céramique-Céramique des inserts antiluxation ne doivent pas pouvoir rencontrer le col de la prothèse. J'ai conçu les parties en polyéthylène destinées à recevoir le siège de glissement métallique ou céramique avec une bordure supplémentaire au voisinage de la périphérie du siège de glissement. Cette bordure supplémentaire rend impossible un contact direct du col métallique de la tige avec le rebord du siège de glissement, contact qui serait source de débris d'usure métallique.

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Inserts Bicon Plus Metal-metal

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